Valérie Lion est la fondatrice de l’infolettre « Attache ta Tuque », qui paraît tous les 10 jours via la plateforme Substack« Attache ta tuque ! » est une expression typiquement québécoise signifiant « accroche bien ton bonnet, ça va secouer ! ». Cette infolettre décrypte la culture canadienne au-delà des clichés.

Après avoir créé ma revue de presse « Ô Canada ! » en décembre 2021, plusieurs personnes m’ont parlé de l’infolettre « Attache ta Tuque » de Valérie Lion, me conseillant de m’y abonner. Ce que j’ai fait, et sans regret, tant j’ai trouvé les sujets abordés passionnants, représentatifs des problématiques canadiennes, et leur traitement éditorialisé génial !

Dès lors, il m’a paru évident d’inclure Valérie Lion dans mon cycle d’entrevues « Ô Canada ! »

Valérie rédige cette infolettre pour son compte personnel. Sur le plan professionnel, elle est rédactrice en chef à l’hebdomadaire d’actualité Le Pèlerin, du groupe Bayard.

Elle est également membre fondatrice du collectif ViveS Média, un média digital créé par Bayard pour accompagner les femmes vers l’indépendance économique et financière. Il s’agit d’une newsletter hebdomadaire, écrite par un collectif de plumes mais également d’un podcast « Osons l’oseille ».

Bandeau Attache ta tuque par Muriel Seisser
Bandeau Attache ta Tuque – par Muriel Seisser

Voici notre échange…

Elsa Schang : Pouvez-vous présenter en quelques mots l’infolettre « Attache ta Tuque » (une expression bien québécoise !) ?

Valérie Lion : L’infolettre « Attache ta Tuque » est née en mai 2018 au sein de L’Express, hebdomadaire pour lequel je travaillais à l’époque, en tant que rédactrice en chef des hors-séries. Parmi ces hors-séries, le numéro « S’installer au Canada » était publié chaque année depuis 2007. Auparavant, trois hors-séries consacrés à la seule province du Québec avaient été publiés en 1999, 2003 et 2005.

J’ai toujours supervisé ce hors-série quelle qu’ait été ma fonction à L’Express. Avec l’équipe, nous avons ensuite développé un portail sur le site de L’Express, intitulé « L’Express Canada », rubriqué de la même façon que le hors-série (partir, étudier, travailler, entreprendre, vivre au Canada), et sur lequel étaient régulièrement publiés des articles. En effet, nous avions réalisé que l’actualité de l’immigration vers le Canada était trop mouvante pour nous contenter d’un seul rendez-vous annuel.

L’Express souhaitant développer ses contenus numériques, il m’a été proposé de créer une newsletter éditorialisée sur le sujet du Canada. Le premier numéro est sorti en mai 2018, d’abord hebdomadaire puis quinzomadaire.

Fin 2020, j’ai quitté L’Express et j’ai emporté l’infolettre « Attache ta Tuque » avec moi. Je la publie maintenant à titre personnel sur la plate-forme Substack, et j’ai démarré la saison 5 en septembre 2022. Et l’ambition reste la même.

Il s’agit de décrypter le Canada au-delà des clichés pour les Français et francophones qui s’intéressent à ce pays, veulent y étudier, travailler, entreprendre. C’est le regard d’une Française, qui s’y rend régulièrement depuis 30 ans, sur l’immigration, l’économie, la société, la culture, la politique canadiennes.

« Attache ta Tuque » est une expression québécoise qui signifie littéralement « accroche bien ton bonnet », et au sens figuré « ça va décoiffer, ça va être mouvementé » : car le Canada, même si on y parle français, notamment au Québec, est un pays vraiment étranger. Ce n’est pas un bout de France en Amérique du nord. Donc, si on choisit d’y vivre il faut s’attendre à des émotions fortes. Car le Canada n’est pas nécessairement le pays que vous croyez !

E.S. : Les sujets sont très variés, comment les choisissez-vous ?

Valérie Lion : Je travaille à partir de l’actualité canadienne, mais aussi de mes rencontres et de ce que j’observe dans la communauté française au Canada ou dans les relations franco-canadiennes et franco-québécoises. Parfois, mon point de départ est une actualité incontournable (une élection, la visite du Pape au Canada, par exemple), parfois c’est un sujet anecdotique mais qui en dit beaucoup sur le pays. Je suis également à l’écoute de la communauté des lecteurs, leurs commentaires et réactions me donnent des idées.

E.S. : Pouvez-vous décrire votre parcours : vous n’êtes pas de nationalité canadienne. Toutefois, sur votre page LinkedIn, on remarque un intérêt, et même un attachement particulier, pour le Canada / Québec dès le milieu des années 1990, puis tout au long de votre parcours professionnel. Quel est votre rapport avec le Canada / Québec ?

Valérie Lion : Je suis française, je suis allée pour la première fois au Québec en 1992, à la fin de mes études de journalisme, grâce à une bourse de l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse (OFQJ). Je suis donc un pur produit de l’OFQJ ! Ce voyage a été vraiment marquant pour moi et il faut souligner l’importance de ce type d’opportunités pour les jeunes. Ce séjour d’un mois à Montréal m’avait permis de réaliser plusieurs reportages, par exemple dans la réserve de Kahnawake ou dans le milieu culturel.

Au cours de ce voyage j’ai eu un vrai coup de cœur pour le Québec. Et je n’ai eu de cesse d’y retourner ensuite, pour des reportages, en tant que journaliste économique à l’époque, ou à titre personnel. J’ai aussi pendant plus de vingt ans été journaliste bénévole pour la revue France-Québec.

E.S. : Vous avez publié en 2005 un ouvrage intitulé « Irréductibles Québécois » (Ed. des Syrtes), pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Valérie Lion : Cet ouvrage faisait partie d’une collection intitulée « Terres d’aujourd’hui », lancée par Yannick Le Bourdonnec pour explorer des territoires aux identités fortes sans être forcément des pays : la Bretagne, la Bavière, l’Ecosse, la Catalogne. Le Québec y avait naturellement sa place : c’est une province canadienne, mais qui s’identifie comme « nation québécoise ». Mon projet était déjà d’expliquer le Québec aux Français au-delà des clichés : à l’époque, quand je parlais de mon intérêt pour la Belle province, cela déclenchait immédiatement chez mes interlocuteurs des références – Céline Dion, les bûcherons, les baleines, le sirop d’érable – qui me semblaient autant de clichés réducteurs. Pour avoir beaucoup sillonné le Québec je voulais raconter la modernité de cette société, sa complexité aussi.

E.S. : Quelles sont les spécificités de votre audience ?

Valérie Lion : Mon audience est francophone, c’est pourquoi je parle d’infolettre et non de newsletter. Mes abonnés peuvent vivre en France, au Canada, en Afrique, au Bénélux. Ils peuvent avoir un projet d’émigration au Canada, ou y vivre déjà, ou avoir des proches qui y vivent. C’est une audience très qualifiée, avec un taux d’ouverture proche de 50%. Je compte aussi parmi mes abonnés les acteurs institutionnels des relations franco-canadiennes et franco-québécoises.

E.S. : Avez-vous des conseils à donner aux personnes, ainsi qu’aux jeunes qui souhaiteraient travailler un jour dans le secteur du journalisme international ou en lien avec le Canada / Québec ? Ou tout simplement créer une newsletter qui cartonne !

Valérie Lion : Travailler dans le secteur du journalisme, c’est faire preuve de curiosité, ne pas hésiter à frapper aux portes et à les pousser ! Pour la dimension internationale, c’est aussi une question d’opportunités : il existe des bourses comme celles de l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse, il y a les visas Vacances-Travail, les jeunes peuvent se renseigner sur les possibilités d’études à l’étranger aussi. Il s’agit d’aller sur le terrain en fait et de confronter son rêve à la réalité. Aussi, le journalisme n’est pas nécessairement un milieu dans lequel on recherche beaucoup de main d’œuvre, il faut donc « faire son trou ». Cela passe par le réseautage comme on dit au Québec. Si on part au Canada, il ne faut pas avoir peur de travailler en indépendant (statut de « travailleur autonome » au Québec), car le marché du travail est beaucoup plus flexible et souple là-bas, il faut être adaptable et si possible parler l’anglais et le français.

E.S. : Y a-t-il des moyens de communication (podcasts, magazines papier ou web, sites internet, pages LinkedIn, etc) que vous souhaiteriez recommander à nos lecteurs sur le sujet des relations France / Canada ? ou sur le Canada et/ou le Québec ?

Valérie Lion : Le Figaro et L’Express publient des hors-séries chaque année en juin pour les candidats à l’immigration. Le balado « Fais-tu frette » de Jean-Michel Lhomme donne la parole à des Québécois qui expliquent le Québec. Il y a aussi de très bonnes émissions diffusées sur TV5 Monde. Pour ceux qui habitent à Paris, le Centre culturel canadien organise des événements très intéressants et la Librairie du Québec offre beaucoup de ressources, tout comme la bibliothèque Gaston Miron. Voir des films et lire des auteurs canadiens est une bonne manière de découvrir et connaître la culture canadienne. Il faut lire Margaret Atwood par exemple, une grande écrivaine. Et sur la question des Autochtones, je recommande les ouvrages de Michel Jean. Enfin, sur l’actualité, votre revue de presse « Ô Canada ! » sur LinkedIn est très riche et ouvre vers les médias canadiens.

🔖 FICHE TECHNIQUE :